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Au Kerala, en Inde, « le logiciel libre est un mode de vie » grâce à une organisation communautaire qui utilise les TIC pour améliorer les conditions de vie. L’Association pour la promotion de l’informatique alternative et de l’emploi (Society for Promotion of Alternative Computing and Employment – SPACE) a été fondée en 2003 par un groupe de militants pour les logiciels libres et à code source ouvert (FOSS) dans le Kerala, en Inde. En 2007, SPACE a commencé à former les malvoyants à l’informatique. En juin 2014, son initiative Insight – ICT for the Differently Abled (Vue de l’intérieur – Les TIC pour les personnes à capacités différentes) a remporté le Prix Chris Nicol des logiciels libres d’APC.

Insight est un centre de TIC qui utilise les logiciels libres pour les personnes handicapées de Trivandrum, Kerala, en Inde. En sept ans, le programme a pu former aux TIC plus de 1000 personnes malvoyantes, et une équipe de 25 formateurs de formateurs eux aussi malvoyants. Insight a également accompli des progrès importants pour autonomiser les handicapés par le biais de séminaires, d’ateliers, de campagnes de sensibilisation et par la mise en place de centres de TIC pour enfants et adultes avec des handicaps physiques et cognitifs. Insight, au départ un programme pilote communautaire, a maintenant été intégré au programme de développement social de l‘État du Kerala.

En 2009, SPACE a dépassé le cadre des programmes pour malvoyants en donnant aux enfants à handicap cognitif et moteur accès à l’informatique grâce à des outils développés spécifiquement pour les étudiants et leurs familles, ainsi que des mécanismes de soutien.

APC a interrogé Arun Madhavan, le directeur général de SPACE, au sujet de l’initiative Insight, des projets de l’organisation et de conseils à donner aux militants que l’initiative aurait inspirés.

APCNouvelles : Comment avez-vous connu les logiciels libres et qu’est-ce que cela a signifié pour vous ?

Arun Madhavan : Le slogan de notre organisation est « Là où le logiciel libre devient un mode de vie ». C’est avec les logiciels libres que tout a commencé, avec leur idéal de partage et de communauté. Nous croyons que nous ne sommes pas isolés des autres combats sociaux ; nous avons donc tenté d’utiliser nos outils et nos politiques pour travailler avec d’autres mouvements et tenter de bâtir un monde meilleur.

APCNouvelles : Qu’appréciez-vous le plus dans votre initiative ?

AM : Absolument personne, pas même les dirigeants du mouvement des logiciels libres en Inde, ne considérait la question du handicap physique comme prioritaire. Nos efforts ont permis de créer de nouveaux partenariats, et le travail que nous avions commencé a été repris par la collectivité. En le faisant sien, c’est à elle que notre travail appartient aujourd’hui.

En tant qu’organisation, nous sommes très fiers de voir notre travail repris par la communauté, qu’il s’agisse d’intégrer les logiciels libres à l‘éducation avec notre initiative IT@School, ou dans les secteurs gouvernementaux et publics, notamment dans la compagnie d‘électricité ou avec l’accès aux handicapés.

APCNouvelles : Quels sont vos projets ? À quoi pouvons-nous nous attendre ?

AM : En ce qui concerne les personnes ayant un handicap, nous souhaitons intégrer notre travail au système éducatif de l‘État du Kerala. Cela permettra d’en répliquer les outils et techniques dans toute la région, et de toucher beaucoup plus de gens. Nous voulons également travailler à l’utilisation des logiciels libres pour des questions touchant aux communautés tribales de notre État.

APCNouvelles : Avez-vous des conseils à donner à d’autres groupes qui souhaiteraient se lancer dans des initiatives similaires ?

AM : Quand on entre en terrain inconnu, il faut maintenir tous ses sens en alerte, offrir une réponse créative à chaque situation qui se présente et rester prêt à apprendre à tout moment. Laissez-vous guider par vos idéaux. Si vous échouez, ce n’est pas si grave, il faut persévérer.

APCNouvelles : Comment les autres membres d’APC peuvent-ils soutenir les logiciels libres ?

AM : Nous aimerions bien qu’APC réussisse à persuader les autres membres et organisations de tenter ce que nous avons fait. Il y a des choses, comme améliorer la technologie, que nous ne pouvons pas faire tout seuls. On pourrait faire bien plus en travaillant main dans la main.

APCNouvelles : Que signifie pour vous cette reconnaissance du Prix Chris Nicol ?

AM : Quand nous avons commencé notre travail, nous ne pensions absolument pas à un quelconque prix ou reconnaissance. Notre motivation est essentiellement politique, et c’est juste quelque chose que nous voulons faire. Par contre, nous pensons effectivement que notre travail est assez unique. Peu de gens avaient pensé au rôle que les logiciels libres pouvaient jouer dans le contexte des personnes handicapées. D’une certaine façon, nous avons établi de nouvelles synergies entre deux sujets importants, ce qui a été à notre connaissance la première initiative en ce sens, au moins dans le monde en développement.

APCNouvelles : Avez-vous des projets pour utiliser l’argent du prix ?

AM : En fait, nos meilleures initiatives n’ont pas été programmées, elles étaient purement accidentelles. Il n’est pas facile d’obtenir des ressources pour expérimenter et provoquer ce type d’accident. Nous comptons donc utiliser le prix pour tenter de nouvelles initiatives, relatives notamment à la question des communautés tribales avec lesquelles nous travaillons et où nous manquons de ressources.

APCNouvelles : Avez-vous des recommandations à faire à APC concernant les prochaines éditions de Prix des FLOSS et son travail envers les logiciels libres en général ?

AM : Le Prix Chris Nicol des logiciels libres est une initiative importante à mon sens. On connait beaucoup de choses sur les outils de logiciel libre, mais il reste encore beaucoup à faire en termes de politiques de logiciels libres. Je parle bien d’utilisation politique, c’est-à-dire bien plus qu’un simple usage des logiciels libres pour des raisons pratiques. Et s’il est vrai qu’APC soutient les logiciels libres, aucun programme ne vise spécifiquement les logiciels libres.

Par exemple, on voit que la question « TIC et handicaps » prend de l’importance. Notre expérience nous montre combien les logiciels libres peuvent être utiles dans ce domaine et pourtant, cette question ne s’est pas imposée dans les discussions de politiques globales. Un réseau aussi influent qu’APC peut obtenir beaucoup, et une intervention active pour favoriser l’adoption des logiciels libres allant de pair avec les politiques, menée auprès de la communauté des membres d’APC, s’avérerait bénéfique tant pour les membres que pour le mouvement du logiciel libre.

Pour plus d’informations sur SPACE:

Image pour SPACE Kerala .

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