Aller au contenu principal


Réapproprie-toi la technologie!
a débuté en novembre 2006 avec une petite mais importante idée : la présence et l’utilisation croissantes des nouvelles technologies de l'information en faisaient un espace politique dans lequel il était urgent d'affirmer la perspective féministe en matière de participation, de compréhension et de vision. La contribution des femmes au développement historique des technologies de l'internet était en train de se perdre et d’être oubliée, et la réalité de la violence subie par les femmes et les filles partout dans le monde s'infiltrait déjà dans les espaces en ligne sans que l’on n’y prête suffisamment attention. La culture scientifique et technologique sexospécifique qui crée des hiérarchies et une aliénation dans l'utilisation de la technologie devait être confrontée et démantelée. Il fallait en particulier s’approprier la technologie pour définir et façonner une plateforme et un espace transformateurs pour remplacer celui qui établit une autre forme d'inégalité structurelle et de discrimination.

La campagne a commencé sans aucun financement particulier. À partir des travaux de recherche, de formation, de réseautage et de formulation de politiques du PARF d'APC [lien vers le PARF d’APC], nous avons élaboré une stratégie, créé un site de campagne de base (pur HTML!) et avons entamé le dialogue avec des militantes féministes et des défenseurs des droits de l'internet de différentes parties du monde. De toute évidence, l'idée a fait son chemin. Au cours de la première année seulement, des centaines de blogueurs, d’organisations de défense des droits des femmes et de la société civile et de femmes et d’hommes ont parlé de la question, affiché l'icône de la campagne sur leur site, changé leurs messages d'état sur ​​les courriels et les services de messagerie instantanée, créé des affiches et commencé à se réapproprier la technologie.

Aujourd'hui, six ans plus tard, la campagne a pris une ampleur considérable grâce à la participation concertée de particuliers, de collectifs et d’organisations qui ont contribué à façonner sa vision, ses stratégies et son impact. La campagne est passée d'un mouvement essentiellement en ligne à un activisme à la fois virtuel et réel pour former une stratégie et un mouvement conjoints. Les participants à la campagne du Brésil ont organisé des séances de formation et des ateliers , des partenaires en récits numériques, notamment Silence Speaks et Women'sNet ont partagé leur riche bibliothèque d’exemples de femmes et de filles qui se réapproprient la technologie et leurs propres expériences pour créer des récits vidéo transformateurs [link to digital stories - lien vers les récits numériques] et des blogueuses féministes ont affiché des messages sur leurs expériences, leurs idées et leur analyse de la question , et plus encore.

L’aspect le plus important de la campagne est de savoir comment elle est adoptée et organisée dans différents espaces et répond aux priorités et préoccupations locales concernant la violence faite aux femmes, le féminisme et l'internet. Cette année, des membres de Réapproprie-toi la technologie! au Pakistan se sont rendus dans les régions rurales pour créer ensemble 16 vidéos avec 16 femmes tribales pour faire connaître leurs revendications et leur solidarité à l’égard de la campagne mondiale de 16 jours. Women'sNet de l’Afrique du Sud a organisé une campagne de collecte de dons # Fon4Women et a reçu plus de 275 téléphones mobiles usagés pour les femmes victimes de violence. Le mouvement des droits des femmes de Fiji a soulevé la question de la sécurité en ligne au moyen de vidéos. Tweep Florencia Goldsman a apporté son savoir-faire en matière de théâtre de rue pour créer des événements artistiques numériques au Brésil, en particulier une performance sur la violence faite aux femmes liée à la technologie en faisant appel à l'humour pour sensibiliser le public. Des blogueurs et des organisations se sont engagés à bloguer pendant 16 jours sur la question et le Women ans Media Collective du Sri Lanka a invité les gens à participé à des débats et à s'exprimer de façon créative sur le genre, les médias, la sexualité et l'internet, Stirring the Fire a créé des affiches sur les possibilités de bénévolat avec des organisations et des projets qui oeuvrent pour lutter contre la violence faite aux femmes, Kate Ravenscroft, victime d’un viol, a écrit chaque jour au sujet des 16 impacts d’une agression sexuelle avec courage et talent et plus encore. Il est impossible de décrire l'ampleur, la diversité et l'énergie des actions et initiatives que les membres de Réapproprie-toi la technologie ont organisées dans différentes parties du monde correspondant à moins d'un livre assez épais. Ils ont vraiment inspiré de nouvelles idées, un engagement créatif et la construction d'un mouvement mondial pour mettre fin à la violence faite aux femmes, à la fois en ligne et dans le monde réel.

Au fil des ans, deux besoins importants sont apparus. Premièrement, la nécessité d’un renforcement des capacités en matière de sécurité en ligne qui soit ancré dans la réalité des femmes et des filles et deuxièmement, la nécessité de plateformes de surveillance systématiques et en collaboration pour évaluer et comprendre la portée et les dimensions des liens entre la technologie et la violence faite aux femmes. Pour répondre à ces besoins, nous avons développé des ressources de sécurité en ligne pour les femmes et les filles sur les téléphones mobiles, la navigation en ligne, les mots de passe sécurisés, la géolocalisation et les applications portables. Cette édition de GenderIT.org comprend également un dialogue avec l'activiste des droits à la vie privée, Gus Hossein, sur les dimensions complexes du droit à la vie privée et sur ce qui est en jeu dans les espaces et la communication en ligne.

Nous avons également lancé la plateforme de cartographie en ligne de Réapproprie-toi les technologie! afin de créer un espace pour le partage et le suivi des récits et de cas de violence faite aux femmes liés à la technologie. Ce projet pilote a été traduit en dix langues par des membres locaux de la campagne, notamment en bosnien, ganda, arabe, ourdou et portugais, et avec leur collaboration, leur engagement et leur partenariat a permis de documenter plus d’une centaine d’expériences et récits de femmes et de filles qui ont été confrontées à la violence en ligne ou en utilisant l’internet sur leur portable. Ces récits permettent déjà de mieux comprendre la question comme en témoigne l'article sur l'analyse initiale présenté dans cette édition, et surtout, offre une plateforme essentielle et nécessaire pour la reconnaissance, l'expression et la communication des expériences et des récits de survie. Nous espérons que la carte va continuer de s’étendre et deviendra un espace utile pour les activistes féministes, les organisations de défenses des droits des femmes, les défenseurs des droits de l’internet et les autres utilisateurs de l’internet au-delà de la campagne.

Nous avons vécu une aventure extraordinaire, mais ce n'est que le début de la réappropriation de la technologie par les femmes, les filles et nous toutes dans toute notre diversité. Nous espérons que vous apprécierez cette édition qui présente un survol remarquable de ce mouvement créatif et novateur.