APCNouvelles s’est entretenu avec Gbenga Sesan, le directeur exécutif de Paradigm Initiative Nigeria (PIN) à propos de l‘évolution de ces dernières années de la responsabilité des intermédiaires du pays quant au comportement de leurs utilisateurs. Nous l’avons également interrogé sur les autres enjeux importants pour le pays relatifs à l’internet.
APCNouvelles : Que pensez-vous de l‘évolution au cours des dernières années de la responsabilité des intermédiaires au Nigéria ?
Gbenga Sesan: Le meilleur indicateur dont nous disposons est, me semble-t-il, la Commission nigériane des communications qui, avec sa loi relative à l’interception légale des communications, veut s’assurer de rendre les entreprises de télécommunications responsables des actions de leurs abonnés sur le net. Cette loi exige entre autres de conserver les données des utilisateurs pendant un minimum de trois ans.
La Commission nigériane du droit d’auteur veut quant à elle rendre les hébergeurs de contenu responsables de ce que les utilisateurs font dans leurs réseaux. Cela incluerait les FSI (fournisseurs de service internet), les FAI (fournisseurs d’accès internet) et toute personne qui hébergerait des contenus. Ces lois n’ont pour le moment pas encore été approuvées.
APCNouvelles : Ces lois poussent-elles les utilisateurs à prouver leur identité réelle ?
Pas en soit. En fait, tous les abonnés doivent déjà indiquer leur véritable nom et leur identité pour pouvoir utiliser les services des fournisseurs de services de télécommunications et des FSI. Si bien que pour utiliser n’importe quel service internet ou de télécommunication, on doit pouvoir prouver qu’on est bien la personne qui s’inscrit. Cette réglementation était déjà en vigueur avant la rédaction de ces lois.
APCNouvelles : Le fait de devoir s’inscrire avec son nom réel modifie-t-il la façon dont les gens utilisent l’internet ?
Chacun reste libre de conserver son anonymat dans les médias sociaux, si bien que peu importe le réseau utilisé, on peut choisir de créer des comptes de médias sociaux avec son nom réel ou non. Récemment, il est arrivé qu’un employé du gouvernement accuse une personne d’encourager le terrorisme, sous couvert d’un compte anonyme. Une enquête a alors été menée pour découvrir l’auteur du compte, mais cela reste un cas isolé et il n’y a en général aucune pression de la part du gouvernement ou d’autres ministères pour exiger ce type d’information.
APCNouvelles : Avez-vous une réglementation spécifique sur la responsabilité des intermédiaires ?
La plupart des lois rigoureuses sur la responsabilité des intermédiaires en sont encore au stade de projet, et se préoccuppent principalement d’autres questions (comme la violation du droit d’auteur ou la conservation des données).
APCNouvelles : Les organisations de la société civile peuvent-elles participer au processus d‘élaboration des politiques ?
Oui, lors des audiences publiques et des solliciations de contributions, toute personne, organisation de la société civile ou autre partie prenante intéressée par la question peut apporter sa contribution. Dans le cas des projets de lois dont nous parlons, le plus souvent la consultation se fait avant leur approbation et les recommandations des parties prenantes sont souvent prises en considération.
Nous avons par exemple envoyé notre contribution au projet de loi relatif à la cybercriminalité, et certaines clauses ont effectivement été prises en compte. Nous avons recommandé de ne pas exiger certaines choses des fournisseurs de télécommunications, notamment la conservation des données (y compris les données d’essai et audio) pendant trois ans. Nous avons également proposé que la loi n’exige pas aux utilisateurs de prouver leur innocence, et qu’elle exige plutôt le contraire.
APCNouvelles : Y a-t-il au Nigéria des règles d’exonération pour protéger les intermédiaires ?
Pas spécifiquement. Le gouvernement cherche surtout à obtenir la collaboration des intermédiaires. Mais il n’est pas trop tard pour introduire ce type de mesures.
La PIN travaille actuellement avec APC sur un projet concernant la migration de la diffusion traditionnelle au numérique. Le gouvernement a accepté l‘échéance de 2015 de l’UIT, mais les experts estiment que le délai ne sera pas respecté. Quelle serait selon vous la meilleure approche à adopter ?
Je ne pense pas que le gouvernement réussisse à respecter ce délai, mais il faut continuer à apporter notre soutien pour y parvenir, au moins pour accélérer le processus et s’en rapprocher autant que possible.
Peu de gens parlent de la migration au numérique, seul le secteur privé attend visiblement cette possibilité qui leur est offerte de profiter des plateformes numériques, en raison de leur moindre coût. Il s’agit donc d’une décision principalement économique, liée aux coûts et à l’accès au marché.