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Le discours de l’avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix 2003, a eu lieu mercredi 16 novembre 2005, dans le cadre de la cérémonie d’ouverture du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Ce discours s’inscrit dans une volonté de mettre les enjeux chers à la société civile sur l’agenda du sommet. Ces thèmes, souvent reliés aux doits humans, ont été pratiquement absents des discussions officielles entourant le sommet de Tunis. Voici son discours.
Honorable Présidence du Sommet,


Monsieur Kofi Annan,


Mesdames et Messieurs les Hauts Représentants,


Mesdames, Messieurs,


Je suis très honorée de représenter les ONG et la société civile devant cette assemblée.


J’espère que l’Organisation des Nations Unies se renforcera jour après jour en prenant de plus en plus en compte les organisations représentatives de la société civile. Ceci est d’autant plus nécessaire lorsque certains gouvernements ne sont pas réellement élus par leurs peuples et ne respectent pas la volonté et l’intérêt de leur peuple dans les décisions qu’ils prennent sur le plan international.


Toutefois, il faut également agir en sorte que les gouvernements non démocratiques ne puissent pas manipuler les prises de décisions dans les instances


internationales en envoyant des « ONG » qu’ils ont eux-mêmes créées et qui transmettent de fausses informations sur la situation dans leur pays.


Il ne faut pas oublier que les gouvernements doivent être au service des peuples et il n’est pas concevable de croire que les Hommes naissent pour être dominés par des gouvernants qui prennent des décisions qui ne recueillent pas leur consentement.


Mesdames, Messieurs,


Nous vivons à une époque où l’accès à l’information est le principal vecteur du développement et du progrès et d’avenir. C’est la raison pour laquelle la fracture numérique existant entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement va créer un fossé croissant entre les riches et les pauvres, tant au niveau national qu’au niveau international.


L’avènement du progrès de la société de l’information a d’une part créé une occasion en or pour le développement et l’amélioration du niveau de vie de


l’humanité, mais a d’autre part accentué la fragilité des pays non industrialisés. C’est ainsi que les peuples qui sont les utilisateurs principaux et finaux de ces systèmes d’information doivent payer le prix de l’incurie de leurs gouvernements qui ne sont pas attentifs à cet important enjeu et n’investissent pas


suffisamment dans ce domaine.


Par exemple, si nous examinions le budget militaire des Etats, que ce soit des pays développés ou des pays pauvres, nous constaterions qu’en diminuant les budgets militaires, la fracture numérique pourrait être considérablement réduite.


Par ailleurs, les pays industrialisés doivent également apporter leur contribution à l’humanité en aidant les pays non développés.


Trente pays développés dans le monde qui regroupent seulement 16% de la population mondiale, dépensent annuellement 750 milliards de dollars pour leurs budgets militaires alors que nous n’avons besoin que de 100 milliards de dollars pour sortir, d’ici 2010, les pays non développés de la pauvreté informatique et pour remettre les infrastructures informatiques et de télécommunication de ces pays à un niveau acceptable.


Si nous regardons le monde comme un petit village, nous devons tous profiter de ses bienfaits et notamment du savoir ; il n’est pas possible d’avoir une


prétention universaliste et de maintenir la majeure partie du monde dans la pauvreté d’information.


L’autre sujet qui nous préoccupe est le contrôle des fournisseurs d’accès et de l’Internet qui se situent dans des pays occidentaux. Les populations du reste du monde qui sont les principaux utilisateurs d’internet se posent la question suivante : Quelle garantie existe-t-il pour que les gouvernements de ces pays ne puissent, à tout moment, pour des raisons politiques ou d’embargo économique, priver une partie de la population mondiale de l’accès à Internet ?


Un autre problème auquel les peuples, c’est-à-dire les principaux acteurs de l’internet, sont confrontés est la censure. Certains gouvernements, au prétexte du maintien de la sécurité nationale, de la lutte contre la corruption morale ou encore pour empêcher des commerces illicites, procèdent au filtrage d’Internet, définissent les sites qu’ils souhaitent filtrer de manière discrétionnaire et empêchent les gens d’accéder facilement à l’information dont ils ont besoin ou de faire entendre leurs voix à l’extérieur. Pire encore, ils procèdent à la répression des auteurs de blog qui expriment la moindre critique à l’égard de leur gouvernement.


Malheureusement, dans certains pays, les défenseurs des droits de l’Homme, les écrivains et les traducteurs sont emprisonnés, tout simplement coupables d’avoir exercé leur liberté d’expression et d’opinion. Ici, en tant que représentante des ONG, tout en demandant la libération des prisonniers politiques et d’opinion et de toutes les personnes détenues pour avoir exercé leur liberté d’expression, je propose de créer un Comité sous la supervision de l’ONU avec la participation des représentants du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, l’UNESCO, le PNUD et l’UIT ainsi qu’un ou plusieurs représentants des ONG pour veiller au problème du filtrage des sites Internet, pour éliminer les difficultés que j’ai mentionnées et empêcher que les Etats ne sacrifient les intérêts de leurs peuples à des arrangements politiques.


Dans cet espoir,


Je vous remercie